Présentation de l'album

Exécuté à partir de 1821 et retravaillé ensuite, le recueil de 72 dessins (mesurant 44 cm de haut par 56 cm de large) présenté ici fait figure de précurseur, même si on ne connaît pas sa destination exacte.

Couverture de l'album

Peut-être ces planches étaient-elles destinées à être transposées en lithographies, technique de gravure sur pierre inventée en 1796 qui permettait la diffusion d'images auprès d’un large public. À partir de la Restauration, une mode, venue d’Angleterre, favorisa la production d’albums illustrés consacrés aux monuments et aux sites remarquables des provinces de France. La publication de L’Ancien Bourbonnais d’Achille Allier en 1834 et le début de celle des Voyages Pittoresques et Romantique de l’Ancienne France du baron Taylor et Charles Nodier (19 volumes parus de 1820 à 1878) appartiennent à ce courant. L'album de dessins de Délécluze se situe exactement au début de cette mouvance. Ce dernier montre toutefois des qualités de rigueur scientifique (en particulier en ce qui concerne le phénomène du volcanisme) plus affirmées que les auteurs des autres recueils, plus intéressés par l’aspect pittoresque des sites au sens propre du mot.

Certains dessins furent peut-être conçus pour élaborer des panoramas, c'est-à-dire des reconstitutions de vastes paysages peints dans des lieux publics, qui étaient alors très en vogue dans les capitales européennes, et ont presque tous disparu de nos jours.

Les dessins, de dimensions et techniques variables, sont réalisés sur des feuilles collées en plein sur les pages de l'album, encadrées d'un liseré à l'encre brune. La plupart des dessins comportent une légende au crayon, identifiant le lieu ou le site représenté, et plus ponctuellement une date. La majorité des pages de l'album sont numérotées, dans l'angle supérieur droit.

Page de l'album

L'album de dessins est accompagné d'un carnet écrit à l'encre, de la main de Délecluze lui-même, et dans lequel figurent des notices descriptives correspondant à la plupart des croquis.

Page du carnet

L’artiste y rappelle le lieu représenté, l’angle de vue et l’endroit où il s’était installé pour effectuer son travail. Très soucieux d’exactitude dans ses descriptions, il indique par exemple la présence et le sens de coulées de laves, qui se révèlent plus visibles à l'époque que de nos jours.

Mais si Delécluze décrit précisément ses dessins dans ce carnet, il ne donne pas d'information sur le contexte de création de l'album. La plupart des dessins semblent avoir été exécutés en 1821, date de son premier voyage en Auvergne, mais un dessin est daté de 1832 et deux autres de 1855. On sait en effet que Delécluze fit plusieurs voyages en Auvergne (notamment en 1831 pour accompagner son neveu Eugène Emmanuel Viollet-le-Duc) et l'on peut supposer qu'il composa (ou recomposa) son album après 1821. Le défaut de correspondance entre les notices du carnet et les dessins, à partir du n°24, corrobore l'hypothèse d'un remaniement de l'album après la réalisation d'une première version, pour y inclure des dessins réalisés plus tardivement.

Durant l’année qui précéda sa mort, en 1862, Delécluze publia ses Souvenirs de soixante années, bilan d’une vie professionnelle représentative de son temps. Il y stipule qu’il avait exécuté 120 dessins relatifs à l'Auvergne. Peut-être d’autres dessins que ceux rassemblés dans cet album seront-ils découverts un jour ?

Un album de dessins intitulé Delécluse – France 6 Touraine et Pyrénées 1820 – Vosges 1822 est conservé à la Médiathèque de l'Architecture et du Patrimoine. Cet album est proche, dans sa forme, de celui que nous présentons ici, et témoigne de l'intérêt que Delécluze, artiste-voyageur, porta au patrimoine naturel et culturel français à l'époque où émergent ces deux notions, au sens que nous leur donnons encore aujourd'hui.

Amandine  ROYER, conservatrice et directrice adjointe, MARQ