Analyse
141. Le puy en Velay

La vue depuis l'actuelle avenue de Mondon (RN 102), par laquelle on arrive au Puy depuis le nord-ouest, est à éliminer car au moment où le panorama s'offre au regard de l'observateur, ce dernier est placé trop bas par rapport à la vue du dessin. Par élimination, l'hypothèse, pour disposer d'un point de vue plus élevé et accessible au voyageur à l'époque, est que Delécluze s'est positionné sur la route de Polignac (encore dans le territoire de cette dernière commune), faisant peut-être une halte en venant de cette localité et en ayant coupé au plus court. Toutefois, la zone où il a dû exactement se placer - si l'on se fie à l'alignement des sommets, relativement aux monuments - paraît correspondre à la partie ouest de cette route, près de la limite de commune avec Espaly-Saint-Marcel, où des arbres empêchent actuellement de jouir du panorama. Le cliché comparatif a donc dû être pris légèrement plus à l'est.

Ce dessin comme les suivants (planches 143 et 145) n'a pas été réalisé au cours de son premier Voyage en 1821 mais dix années plus tard, lors d'un deuxième périple qui le conduira jusqu'au sud de la France accompagné de son neveu Eugène Emmanuel Viollet-le-Duc du 21 juillet au 1er octobre 1831 (voir suite du commentaire planche 145).

Les anneaux de tufs, typiques du bassin du Puy, témoignent d'une activité surtseyenne. Celle-ci se développe lorsque le magma fait éruption sous une tranche d'eau peu épaisse, un lac, une rivière ou en bordure d'un rivage marin. La vapeur engendrée par l'arrivée du magma dans l'eau n'est pas surchauffée et les explosions sont peu énergétiques. L'édifice est construit par des dépôts stratifiés de fragments vitreux, les hyaloclastites. A cause de l'abondance de l’eau, le verre de ces fragments s’hydrate et prend une couleur jaune d’or, c’est la palagonitisation. La brèche jaune ainsi formée a été exploitée pour la construction et donne ainsi leur cachet à tous les anciens bâtiments de la ville du Puy.

Le cratère évasé est le siège de subsidences et d'effondrements internes. La cheminée de brèche s'enracine à faible profondeur. Déchaussées, elles constituent les « rochers » de la ville du Puy.

PAYSAGE URBAIN

Spectaculaires, les « rochers » du Puy ont donné lieu à de nombreuses représentations picturales. Ici l'artiste a légèrement modifié les perspectives pour faire se dresser au premier plan le rocher d’Aiguilhe qui devrait se trouver plus en retrait sur la gauche de l'image.

A l'arrière, le rocher Corneille (la colline d'Anis) ne portait pas encore la colossale statue en fonte Notre-Dame-de-France, érigée en 1859 à partir du métal des canons pris à l'armée russe à la bataille de Sébastopol lors de la guerre de Crimée (1853-1856). A son pied se détache, très reconnaissable, la silhouette du groupe cathédral enserré dans les bâtiments de la ville haute, composé de bâtiments ecclésiastiques et des résidences de la noblesse. Elle se prolonge par la ville basse qui dévale la colline. Densément occupée dès le XIIIe siècle, elle se caractérise par un bâti serré et en hauteur. Delécluze a finement rendu le détail de la flèche de la cathédrale, qui s'orne de gâbles triangulaires, de même que les lignes caractéristiques de sa façade occidentale, un mur monumental percé de plusieurs niveaux d'ouvertures voûtées. Nous n'admirons toutefois plus aujourd'hui le même bâtiment que celui que Delécluze avait sous les yeux : menaçant de s'effondrer il a été détruit entre 1844 et 1870 puis reconstruit pratiquement à l’identique.

- MERGOIL J., BOIVIN P. avec la collab de BLES J. L., CANTAGREL J. M., TURLAND M., 1993, Le Velay. Son volcanisme et les formations associées. Géologie de la France, 3, 1-96
 
- Viollet-le-Duc, E., 21 Juillet- 1er Octobre 1831, manuscrit « Voyage dans le Midi de la France avec Delécluze Auvergne Lyonnais Comtat Venaissin Provence Côtes de la Méditerranée », conservé à la Médiathèque du Patrimoine et de l’Architecture