Analyse
35. Intérieur de la chaîne des Monts Dome

Les volcans et les coulées de lave représentées ici ont des formes qui semblent simplifiées à l’extrême. Les couleurs sont justifiées par l’artiste : le puy de Côme à droite, « couvert de bois, paraît plus brun que les autres monts qui ne sont revêtus que d’herbe ». Le puy de Dôme à l’arrière est plus clair pour signifier l’éloignement. Le paysan minuscule qui s’active au premier plan, accompagné d’une charrette attelée à cheval tout aussi miniaturisée, est un moissonneur, occupé à regrouper les gerbes de « blés maigres comme ils croissent dans cette région de montagne » en meules pointues qui semblent petites, mais en réalité qui sont plus hautes que le personnage.

Sur cette gravure Delécluze représente une scène moisson dans les Dômes, complémentaire de celles de la Limage (planche n°27). Les javelles sont cette fois ci rassemblées en meules coniques.  On remarquera aussi un tombereau à deux roues , c'est-à-dire une charrette entourée de planches que l'on décharge en la faisant basculer vers l'arrière (trébucher) que l'on nommait aussi « barot » ou « barcelle » (Breuillé et al., 2000) . Lui sont attelés deux bovins, à cette époque plus probablement des vaches que des boeufs.

Delécluze a représenté des attelages similaires sur la planche 101.

L'impression générale, comme pour d'autres vues des Dômes dessinées par Delécluze, est celle d'un désert végétal. De fait, comme le remarquait Yves Michelin à partir de l'exemple de la commune de Ceyssat, le système agropastoral traditionnel, qui associait élevage ovin et culture des céréales (seigle, blé, avoine), laissait peu de place à l'arbre :

« En 1822, on constate une prédominance des landes et parcours qui couvrent 55,6 % de la commune; un taux de boisement faible (inférieur à 10 %); la rareté des prés de fauche (14 % de la SAU), qui assurent l'alimentation hivernale des animaux, ce qui prouve qu'à cette époque l'élevage ne devait pas dominer; et l'importance des cultures (75 % de la SAU) et des jardins (1 ,5 % de la SAU soit 566 m2/habitation), ce qui laisse deviner le caractère autarcique de l'activité agricole ». (Michelin, 1991)

Au fil du temps, le système agropastoral des Dômes avait façonné un paysage spécifique dominé, au moment où Delécluze parcourt la région par ces « immensités (landes et pelouses), pâturées de façon extensive et minière » et repoussé la forêt, quand elle subsistait, aux marges du finage ainsi que le décrit Yves Michelin :

« En 1822, le territoire est divisé en auréoles concentriques. A ses marges, quelques bois isolés, témoins de la végétation originelle, et des immensités (landes et pelouses), pâturées de façon extensive et minière. Près des villages, un terroir agricole jardiné ; autour des habitations les jardins et les vergers. La nature du foncier, plus que son potentiel, définit son usage. La forêt, anciens biens seigneuriaux ou ecclésiastiques, est rarement bien sectional. Les parcours (landes) sont biens sectionaux. Les prés, jardins et labours, sont terres privées. » (Michelin, 1991, p.73)

 

Evolution de l'organisation de l'espace dans la chaîne des Puys (Michelin, 1991)

Autres planches en lien avec la thématique

Sur le système agraire des Dômes au moment du voyage de Delécluze et les expériences du Comte de Montlosier voir également le commentaire de la planche 11.

Une autre scène de moisson, dans la Limagne des Buttes, est représentée planche 27.

Une autre scène de travaux agricoles représente les fenaisons dans la vallée de Chaudefour, Massif du Sancy, planche 85.

L’image est prise au pied SE du puy des Gouttes en direction du sud. Ce paysage va devenir une vue classique de la partie nord de la Chaîne des Puys, lorsque G. Poulett-Scrope va la diffuser au niveau international en 1827, peu après le passage de Delécluze (cf figure jointe). L’artiste montre les types de volcans les plus caractéristiques de la chaîne, les dômes du Puy de Dôme et du Cliersou à peine visible devant le premier, puis de la droite au centre les cônes de Côme, Grand Suchet, Fraisse et le puy de Pariou. La structure composite et le trajet complexe des coulées de ce dernier tels que l’énonce l’artiste étaient déjà compris depuis la cartographie de Desmarest et Pasumot vers les années 1772. Sur la gauche du puy Pariou, les petits cônes de la croix Mory et du puy de Porcherolles sont bien mis en valeur alors qu’aujourd’hui ils se distinguent à peine sous le couvert forestier.

 

Extrait de la planche IV de Poulett-Scrope, 1827 prise depuis le sommet du puy Chopine en regardant vers le sud. Extrait de Scrope 1827.tiff

- Boivin P., Besson J. C., Briot D., Deniel C., Gourgaud A., Labazuy P., Langlois E., Larouzière F.-D., de, Livet M., Médard E., Merciecca C., Mergoil J., Miallier D., Morel J.-M., Thouret Jean C., Vernet G., 2017. Volcanologie de la Chaîne des Puys. Carte au 1/25 000, format 120x90 cm, notice 200 p. 6e édit. Parc Naturel Régional des Volcans d'Auvergne. Montlosier
 
- Breuillé, L., Dumas R., Ondet R., Trapon, P. (2000). Maisons paysannes et vie traditionnelle en auvergne, Nonette, Éditions CREER, 486 p.
 
- Michelin Yves, 1991. Systèmes agraires et dynamique végétale dans les Monts Dôme. In : Bulletin de l’Association de géographes français, 68e année, 1991-1 (janvier), p.73
 
- Poulett-Scrope G., 1827. Memoir on the geology of central France, including the volcanic formations of Auvergne, the Velay and the Vivarais, Murray, London, in-4° avec atlas oblong de 20 planches, 182 p.