97. Aspect des montagnes du Cantal

Numéro carnet

41

Titre carnet

Vue de la configuration des hautes montagnes du Cantal prise d'un monticule (Le Calvaire) situé près de St Flour en regardant du Nord Est au Sud Ouest

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41-carnet.jpgCantal
 
N°41 Vue de la configuration des hautes montagnes du Cantal prise d'un monticule (Le Calvaire) situé près de St Flour en regardant du Nord Est au Sud Ouest
 

Il était 7 heures du soir quand j’ai fait cette vue, tout le paysage se détachait en brun sur un ciel sans nuage. Après la plaine qui occupe le devant ces deux bandes noires sont la Planèse, espèce d’immense plateau, recouvert de débris Basaltiques. Le premier plan de Montagnes à gauche comprend le plomb du Cantal, le Col de Cabre et Vialau. Le second plus éloigné et moins vigoureux, occupant la partie gauche de l’horizon est la Faljoux et ce qui l’entoure.

 

 

 

Type d'analyse

Pour son premier dessin cantalien, Delécluze s’est positionné près de Saint-Flour, sur un « monticule (Le Calvaire ) », à six cents mètres environ à l’ouest de la ville (45.038283 , 3.084839). Il est à l’époque dépourvu de la chapelle qui le couronne aujourd’hui, qui ne date que de la première moitié des années 1830. L’ancienne chapelle Saint-Michel ayant été détruite à la Révolution, ce n’est pas un lieu à visiter pour lui-même que le dessinateur avait gagné, mais un point haut pouvant servir d’observatoire. Léon Bélard, au début du xxe siècle, témoigne que le site était resté fréquenté : « [Après la Révolution] si la démolition de la chapelle avait entraîné avec elle la suppression des processions et des pèlerinages, le site, qui n’en gardait pas moins toute sa beauté, attirait encore les promeneurs. » On peut en déduire que l’endroit pouvait être communément conseillé au voyageur (par les aubergistes ?) pour une courte promenade, par exemple en fin de journée : Delécluze dit avoir fait son dessin à « 7 heures du soir ». « On sait la vue étendue que l’on a de ce point », ajoutait Bélard. « Un panorama superbe s’y déroule des monts du Cantal jusqu’aux sommets de la Margeride. (…) La haute Planèze s’y développe depuis le plateau de Mons jusqu’au pied du Plomb, sur le territoire de Roffiac, Coltines, Ussel, Valuéjols et Paulhac. » Delécluze évoque dans sa notice « ces deux bandes noires [qui] sont la Planèse, espèce d’immense plateau, recouvert de débris Basaltiques. » C’est bien ainsi qu’il apparaît depuis le Calvaire, avec, entre ces deux rebords, l’ouverture que constitue la vallée de l’Ander.


Type d'analyse

Le « grenier de la Haute-Auvergne » couronné par le massif volcanique

Les récits des xviiie ou xixe font généralement ressortir l’importance économique de ce secteur de la Haute-Auvergne. Legrand d’Aussy, en 1787-88, rapporte que la Planèze avait la réputation d’être « une autre Limagne »… en réalité juste « un peu plus fertile que la contrée dont elle fait partie ». J.-B. Bouillet, en 1834, évoque la Planèze comme « sans contredit la partie du département qui produit le plus de grains ; aussi l'appelle-t-on communément le grenier de la Haute-Auvergne. C'est un bon pays pour la chasse du lièvre et des perdrix rouges. Tout le gibier de la Planèze est en général renommé. Le bois y est très-rare ; on est obligé d'aller le chercher jusque dans la forêt du Lioran. » Outre les céréales, des cultures annexes telles que pois, lentilles, pommes de terre, en faisaient au début du xixe siècle une zone qui sans être prospère, produisait « des revenus jugés relativement conséquents par les agents du cadastre » (J.-P. Serre, 2017).

Or la perception de Delécluze tranche avec cette fascination partagée pour l’exception céréalière dans une région à dominante pastorale de plus en plus marquée. Son attention reste bien centrée sur le phénomène géologique, et la Planèze, sur son dessin, n’apparaît finalement que comme le socle de son sujet central, les monts du Cantal, dont il détaille soigneusement les sommets, qu’il se plaît à nommer, peut-être d’après une carte, même s’il ne pouvait forcément les voir de ce point d’observation.

Une ferme isolée

En contrebas vers la gauche, il dessine, sans la nommer, la ferme de Besserette, d’implantation ancienne (le Dictionnaire topographique du Cantal en signale la mention au moins dès 1345). Elle n’est pas totalement conforme à sa forme enregistrée par le plan cadastral de 1817 (parcelle A 550). Sur celui-ci, elle apparaît comme un bâtiment en L sans solution de continuité, alors que Delécluze sépare le long bâtiment qui lui fait face, d’une maison isolée formant le retour. Le premier de ces ensembles correspond à la grange-étable à toit cavalier encore visible avant la destruction de la ferme en octobre 2017 (La Montagne-Cantal, 19/10/2017) jouxtant une maison accolée, selon le modèle de la maison-bloc à terre caractéristique de l’est du Cantal. Le bâtiment A 549 du cadastre, qui occupait le quatrième angle du quadrilatère de la ferme et qui semble bien avoir été un four si l’on se fie à son appendice en forme d’abside, n’est pas non plus dessiné. Un réaménagement aurait-il eu lieu entre 1817 et 1821, considérant la fidélité habituelle de l’artiste au dessin des constructions ? La présence d’un four particulier signait bien l’isolement de Besserette : cette ferme mise à part, il n’y avait aucune autre construction dans le cadre retenu par Delécluze.

En étendant le panorama vers la droite, il aurait pu donner à voir le village de Roueyre, mais le relevé photographique réalisé aujourd’hui montre que les monts du Cantal auraient alors moins constitué l’élément central à l’horizon, étant déportés vers la gauche et suivis, à droite, par une crête relativement rectiligne. Ce cadrage lui permettait donc à la fois d’assurer la centralité du volcan, tout en présentant un cadre quasi exclusivement naturel.


  • Comme le montre l'image du paysage reconstitué numériquement, la description de Delécluze fait référence à des reliefs invisibles depuis sa position. Outre le Puy Violent ? (Vialau), il s'agit du col de Cabre et de la vallée du Falgoux, reliefs en creux masqués par les sommets qui se détachent sur le ciel. On peut supposer qu’il cite ces derniers car il s'agit de noms connus de voies de passage obligées.
  • Dans ce dessin, Delécluze souligne explicitement le contraste entre les grands plateaux basaltiques périphériques du Cantal, nommés planèzes, et le cœur du massif hérissé de sommets aigus. Ces derniers sont des rebords de coulées trachy-andésitiques hormis le Plomb du Cantal qui est un culot basaltique remplissant une ancien cratère. Tous ces sommets sont le résultat de l'érosion par les glaciers qui occupaient le centre du massif il y a quelques dizaines de milliers d'années.

Type d'analyse

Vue numérique calculée à partir du Lidar 10 m Cantal (CRAIG-TopoGeodis, 2010) du paysage dessiné par Delécluze depuis le point de vue du Calvaire près de St Flour. Les noms des sommets et ceux des lieux cités par l'auteur (en rouge) sont indiqués.


Type d'analyse

- Emile Amé, Dictionnaire topographique du Cantal, Paris, Imprimerie nationale, 1897.
 
- Léon Bélard, « Saint-Flour dans le passé – Le calvaire de Saint-Flour », Revue de la Haute-Auvergne, 1909, p. 287-299.
 
- Legrand d’Aussy, Voyage fait, en 1787 et 1788, dans la ci-devant Haute et Basse Auvergne, aujourd'hui départemens du Puy-de-Dôme, du Cantal et partie de celui de la Haute-Loire. T. 2, Paris, 1794.
 
- Jean-Pierre SERRE, « L’économie rurale de la planèze sanfloraine au XIXe siècle », Revue de la Haute-Auvergne, t. 79, avril-juin 2017, p. 195-208.
 
- NEHLIG P., LEYRIT H., ARNAUD N., BAUDOIN V., BINET F., BOUDON G., COULOMB A., DARDON A., DEMANGE J., DURANCE G., FONTAINE-VIVE M., FRÉOUR G., GOËR DE HERVE A., DE, GUÉRIN H.-M., JAMET A., LAMBERT A., LEGENDRE C., MAURIZOT-BLANC C., MICHON L., MILÉSI J.-P., PILET S., VATIN-PÉRIGNON N., VANNIER W. & WATELET P. (2001). Carte géol. France (1/50 000), feuille Murat (788). Orléans, BRGM.

Coordonnées dessin vue

POINT (3.085429 45.038246)